Bangalore : Greniers pleins, ventres vides...

L'Inde a atteint en 1975 l'autosuffisance alimentaire. Reste que 300 millions de personnes ne mangent toujours pas à leur faim. Et l'environnement se dégrade.

Extraits de mon carnet de route :
les : samedi 4 et dimanche 5 octobre 2003
trajet : Bangalore - Mysore
distance parcourue : 192 km
Après l'hôpital de Bangalore, je me rend à Mysore. Nous mettrons 5h au lieu des 3H prévues (ça me l'a pas empêché de rouler comme un dingue sous une pluie battante sans essuie glace ni désembuage !). Mes longs moments dans les bus (faute de pouvoir dormir) sont l'occasion de lire notamment le Magazine "l'histoire" de juillet consacré à l'Inde et que j'ai amené avec moi. En voici un extrait.


L'Inde a atteint en 1975 l'autosuffisance alimentaire. Reste que 300 millions de personnes ne mangent toujours pas à leur faim. Et l'environnement se dégrade.

L'Inde présente une particularité désolante : c'est à la fois le pays où les plus grands progrès agronomiques en une génération et celui qui abrite à lui seul près de la moitié des personnes mal nourries dans le tiers-monde ; 300 millions de personnes n'y mangent pas à leur faim !
Et pourtant, grâce à la "révolution verte", lancée dans les années 1960, l'Inde exporte des céréales. Grâce à la "révolution blanche", elle est le premier producteur de lait au monde... Ce qui n'empêche pas un enfant sur deux d'être mal nourri, et de manquer d'apports essentiels en lipides et protides, du fait d'une ration alimentaire trop centrée sur les céréales.
La raison ? Dans ce pays des greniers pleins, trop de ventres sont vides faute de pouvoir d'achat. Plus du quart de la population se trouve en dessous du seuil de pauvreté : basses castes et hors castes, exclus des villes et des campagnes. Soixante millions de familles rurales ne possèdent pas de terre et 25 millions possèdent moins de 2 hectares, la superficie minimale pour nourrir une famille de 6 personnes.
Conséquence de la libéralisation amorcée en 1991, qui a amené le gouvernement à diminuer les subventions aux prix des denrées destinées aux nécessiteux, mais aussi de la bureaucratisation et de la corruption, qui minent l'administration du pays, les stocks s'amoncellent dans les magasins d'état, pourtant censés vendre aux plus démunis des produits alimentaires à bas prix. Plus de 60 millions de tonnes de céréales, dont une grande partie pourrit ou se perd, restait ainsi inemployées en 2002...

Sylvie Brunel . Professeur à l'université Paul-Valéry de Montpellier.
Extrait du magazine "l'histoire" de juillet-août 2003, page 94.