Mines : Visite au coeur de la mine d'argent

J'ai décidé de ne pas vous faire pleurer... je ne vais pas noircir le trait ni employer un ton volontairement noir... Toutefois, j'espère que le ton léger de mon récit n'occultera pas la gravité de ces conditions de travail moyenâgeuses et...

J'ai décidé de ne pas vous faire pleurer... je ne vais pas noircir le trait ni employer un ton volontairement noir... Toutefois, j'espère que le ton léger de mon récit n'occultera pas la gravité de ces conditions de travail moyenâgeuses et que vous mesurerez bien la gravité du moment, ne vous y trompez pas...

Entrée dans la mine "candeleria" : Dans cette coopérative travaillent plusieurs groupes de 4 à 28 mineurs ; ils sont 200 en tout.

Nous attendons une accalmie dans la sortie des wagonnets de minerais pour entrer dans le conduit principal du niveau 1 qui nous fait pénétrer, souvent courbés, à une centaine de mètres au coeur de la montagne. Une petite pose et nous visitons un petit musée dans une salle aménagé par l'agence... Nous progressons à nouveau courbés puis accroupis dans un conduit plus fin. Je suis étonné par la très rare présence de poutrelle de soutènement : faut croire que tout ça tient tout seul ! Nous soufflons un peu... non, beaucoup devrais-je dire (l'altitude et la poussière), dans un recoin, au niveau d'un virage, c'est aussi l'occasion de laisser passer un wagonnet poussé par un seul mineur.
Descendez on vous demande ! Par un fin conduit (tiens je l'avais pas vu celui-là), nous descendons d'un niveau, les pieds en avant en se laissant plus ou moins glisser (les rares marches ont quasi disparues avec le temps) ; attention sur la droite, à plusieurs reprises sur le côté du cheminement, plusieurs puits de ventilation (une cinquantaine de mètres) menacent de m'envoyer faire un tour plus bas et plus vite, car il n'y a ni signalement ni protection... De ce niveau, plusieurs galeries partent à droite et à gauche, moi je garde les yeux sur la lueur de la lampe du guide, je ne me sent pas d'attaque pour une exploration en solo...
Nous descendons vers le niveau - 3 par un conduit encore plus périlleux ! décidément ça s'arrange ! je me demande bien où ça va finir tout ça... cette fois, c'est un puit plus large qui nous menace à la sortie d'un virage, dans une pente à 60 degrés, rendue glissante par les dépôts de poussière... ce n'est pas un piège à touriste, simplement un puit pour remonter le minerais avec un treuil... Pour gagner enfin le niveau - 3, nous empruntons une grosse échelle de bois (dont les barreaux tournent ! je vous recommande la sensation) suspendue entre 2 blocs de roches, au dessus de 3 mètres de vide.
Vous êtes arrivés au niveau - 3, il fait 35.C, le commandant et son équipage vous souhaitent un bon séjour... Moi, j'en peux plus... je souffle tout ce que je peux... que de poussière ! Ici encore, c'est "germinal"... le moyen âge... Nous sommes au niveau d'un dépôt tampon, au bout des rails, un tas de minerais que 2 mineurs chargent dans un "gros sac" avant de l'accrocher et le faire remonter par un treuil électrique... Quelle chance ! si, si, sans blague, je vous assure, c'est 2 là sont chanceux... ils appartiennent à un groupe de mineur suffisamment important et peuvent se permettre de louer à la coopérative l'usage de ce treuil électrique... d'autres groupes remontent le minerais dans des sacs (30 à 40 kg) sur leur dos ! oui, sur leur dos... par les galeries que nous venons de descendre ! tiens ça me fait soudainement penser qu'il va falloir que je remonte tout à l'heure...
"Cuidado" hurle le guide ! car un grondement annonce l'arrivée d'un gros wagon tiré par 2 mineurs, poussés par 2 autres. Nous sommes dans un tunnel... ils foncent droit sur nous ! Mince, faut filer de là ! Nous nous jetons dans un recoin formé par un croisement de deux tunnels pour laisser passer ce monstre de 2 tonnes lancé à pleine vitesse... A leur retour, nous arrêtons les 4 hommes suant à tirer leur wagon vide. Ils sont dégoulinant de sueur, une grosse boule de coca sur le côté de la bouche, sans cesse essoufflés, content de profiter d'une boisson fraîche. Mais très vite, ils repartent pour une autre des vingt rotations journalières. Ici encore, l'air est irrespirable chargé de particules (plomb et poussières diverses, cyanure...) ; l'espérance de vie d'un jeune mineur est de 35 ans - c'est pas étonnant.
Nous progressons par le tunnel des wagons : "mon dieu, faites qu'il n'en vienne pas un en face" (tiens je suis croyant maintenant!). Nous nous enfonçons encore dans ce tunnel de la largeur d'un wagon : courbés, accroupis, pataugeant dans une espèce de boue douteuse... et rencontrons Rambo !
Rencontre au fond de la mine : son bandeau sur la tête, les muscles gonflant le tee-shirt, nous rencontrons un mineur surnommé, à juste titre "Rambo". Tous les mineurs s'appellent par leur surnom et parlent "quechua" dans la mine. Ce jeune mineur de 25 ans, travaille depuis 8 ans dans la mine. Nous discutons un peu, au beau milieu de sa journée de 8 h. Après avoir englouti 4 plats, mâchouillé une bonne heure la coca avec ses collègues, il descend au fond de la mine pour la journée ; il ne mangera qu'en ressortant le soir. Parfois, pour des besoins d'argent supplémentaire (consultation ou médicaments, uniforme ou fournitures scolaires, cadeaux d'anniversaire ou pour Noël...), les mineurs n'hésitent pas à effectuer "una doble". Ils vont alors cumuler travail de jour et travail de nuit, car la mine ne s'arrête pas...
Un peu d'air ! de l'air... nous laissons là "rambo", à son triste sort. Franchement ça fait tout drôle de dire au revoir, j'ai l'impression d'abandonner quelqu'un... je vous jure, c'est dérangeant de penser à ce moment là à la chance que j'ai de vivre une autre vie... de me dire que je viens rendre visite à des mineurs qui se meurent dans leurs trous...
La remontée non plus ne fut pas facile... j'ai bien fait attention de ne pas partir dans un des trous croisés à l'aller... j'ai pesté plusieurs fois quand mes bottes glissaient sur la poussière ou quand je cherchais désespérément mon souffle... j'ai bien failli abandonner un de mes poumons en route tellement il ne faisait mal... Bref, 100 % pure plaisir ! C'est quand j'essayais de retrouver mon souffle au niveau 1 que j'ai rencontré 2 jeunes mineurs de 15 ans qui venaient de remonter avec un sac de 30 kg de minerais sur le dos... "J'ai vraiment besoin d'air" me dis-je ! trop dur...
En faisant une fois encore attention aux wagonnets qui empruntent le même petit tunnel que nous, courbés, accroupis nous voyons cette lueur au bout du tunnel et enfin regagnons l'extérieur de la mine. Le soleil brûle les yeux habitués à la douceur de la lampe du casque. l'air froid et pur brûle les poumons. Je crois ressentir cet étrange sentiment du mineur à la fin de sa journée...
Les 2 jeunes mineurs, délestés de leur minerais, rentrent à nouveau dans le tunnel... comment font-ils ?